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Sec (sex) comme un coup de trique

Pardonnez ce mauvais jeu de mots, mais j’en suis encore toute retournée…

J’ai passé une heure et demie hier soir avec Ryan Gosling, plus sauvage et mutique que jamais, tout en jambes et en nerfs, un demi-dieu quoi.

Drive, le dernier film de Nicolas Winding Rufn (au nom imprononçable donc), Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, est une petite merveille de précision et d’efficacité.

Comme il l’a dit lui-même juste avant la projection, son film est « violent, avec un peu de romance, Ryan Gosling, beaucoup de courses poursuites en voiture, et pas mal de French pop music ». On l’a beaucoup applaudi, et même Gaspard Noé, venu en guest, et peut-être aussi pour prendre sa claque…

Je ne m’attendais pas à un film aussi violent, il faut le dire, à une violence sourde qui explose sans prévenir, au milieu d’une scène tendue certes, mais posée. C’est un véritable déchaînement de violence que prend le spectateur en pleine face. Et la gueule d’ange de Ryan de se transformer en celle d’un fou dangereux (et son léger strabisme divergeant de devenir vraiment inquiétant). Ne pas se fier au apparences… Même la typo du générique de film, écriture de fille rose fluo façon Dirty Dancing, brouille les pistes.

L’acteur joue le rôle de The Driver, jeune homme solitaire, perdu, avare autant en paroles qu’en sourires, dont on devine que sa vie n’a pas été bordée de pétales de roses… Il est cascadeur le jour, accessoirement conducteur de stock-cars, un peu garagiste aussi, et roule pour des truands la nuit, en les aidant à s’extirper de braquages, sans toutefois y participer. Il leur laisse 5 minutes, pas plus, pas moins, et ensuite il sauve sa peau. Chacun sa merde.

Il entre dans la peau du Driver en enfilant un blouson improbable, blanc cassé métallisé, avec un énorme scorpion mordoré brodé au dos. Faites marcher votre imagination. On ne s’en rend pas compte tout de suite, mais ça correspond bien au côté schizophrène du personnage, si calme et si doux, si plein de menace sourde et de violence contenue.

Sa vie morne et sans saveur s’éclaire lorsqu’il fait la connaissance de sa voisine (Carey Mulligan, pas plus bavarde) et de son petit-garçon, dont le père est en prison. Une idylle naît toute en douceur, on ne sait pas si elle ira au-delà d’un baiser, mais une main qui en couvre une autre sur le levier de vitesse, ça donne des frissons (surtout quand c’est celle de M. RG).

Là où ça se corse, c’est quand Ryan, épris de ces deux personnes qui comblent pour la première fois le vide intersidéral de sa vie, décide de prêter main forte au père tout juste sorti de prison. Celui-ci est en effet menacé par de sordides malfrats, qui jurent également de s’en prendre à sa petite famille.

Je n’en dirai pas plus. C’est le premier film de Nicolas Winding Rufn que je vois, mais je crois savoir que Le Guerrier silencieux, Valhalla Rising, qui comme son nom l’indique ne comporte pas beaucoup de dialogues, est ultra-violent, et combine également des scènes complètement planantes dans des décors à couper le souffle, sur des musiques divines. J’ai la trilogie des Pusher en DVD, je pense y jeter un coup d’oeil, planquée derrière mon coussin anti-frayeur.

Drive est un film de mec, comme tous les films de son réalisateur. Par son sujet, mais aussi par le traitement des personnages féminins. Carey Mulligan, brillante mais un peu nunuche, symbolise le repos du guerrier, sa raison de vivre, cette fleur fragile qu’il doit protéger, mais qu’il ne peut garder à cause de toute cette violence qu’il porte en lui. L’autre actrice, c’est Christina Hendricks (les fans de Mad Men répondront présent), sculpturale et fascinante dans des fringues modernes un peu cheap, en jean slim et hoody, qui subliment ses formes, et qui nous font nous exclamer « pour une fois une vraie femme dans un film, avec des seins et des fesses! ». Son rôle est pourtant très mineur, et sa fin très peu glamour (c’est un euphémisme…). Le reste des figurantes se résume à une poignée de gogo-danseuses aux seins de silicone, poupées gonflables  immobiles et sans vie, impuissantes et paralysées par tant de fureur déployée…

Drive est réalisé au millimètre près et chaque scène a sa raison d’être. Le silence des acteurs rend chaque moment extrêmement dense, décuple les émotions si parcimonieuse que l’on guette avidement sur les visages. Une grande douceur émane de certaines scènes de romance, mais une sauvagerie indicible peut apparaître dans la scène suivante (celle de l’ascenseur est particulièrement torve pour le spectateur).

Moi qui suis une fan absolue de courses poursuites en voiture (j’ai adoré Boulevard de la Mort de Tarantino, quoi qu’on en dise, et cette scène avec cette vraie cascadeuse couchée sur le capot d’une Mustang lancée à pleine vitesse, quel frisson), je n’ai pas été déçue. La caméra embarquée dans la voiture, qui filme en contre-plongée un Ryan Gosling concentré, tendu, et qui machouille un eternel cure-dent, le tout sur fond d’électro bien sentie, c’est tout simplement diabolique.

Au passage, le titre phare de la BO (disponible le 27 septembre prochain) est signé Kavinsky, alias le french Vincent Belorgey, et dont les morceaux font beaucoup penser à ceux de son pote Sébastien Tellier.

Mention spéciale à Chromatics, un groupe de Portland, pour ce morceau ultra tendu.

Enfin, on doit la majorité de la B.O. à Cliff Martinez, le compositeur très Hollywoodien des musiques de A l’origine, La défense Lincoln, Sexe, mensonges et vidéo, Gray’s anatomy, Narc, ou encore Solaris.

Dans les films de Nicolas Winding Rufn, l’homme est un loup pour l’homme, mais ne se déplace jamais en meute. Il est et restera cavalier solitaire, et pour lui point de salut.

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